Jean-Pascal Labille

« Plus que jamais, notre rôle est de protéger les affiliés »

Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de Solidaris, revient sur les réformes qui fragilisent l’accès aux soins et les droits sociaux. Face à l’insécurité croissante, la mutualité réaffirme sa mission : protéger les affiliés.

Nous sommes au mois d’octobre, mais impossible de ne pas revenir sur ce qui s’est passé pendant les vacances. En juillet, Solidaris a lancé une pétition contre la hausse des prix chez le médecin… 

En effet, le ministre de la Santé a proposé une réforme du système de conventionnement. C’est ce système qui garantit aujourd’hui des prix encadrés chez les médecins “conventionnés”, pour que les soins restent accessibles financièrement. Mais dans la réforme proposée, il y avait un gros danger : autoriser certains médecins conventionnés à facturer des suppléments d’honoraires pour certains actes. Comme le font les médecins “non conventionnés”, c’est-à-dire des frais en plus, à charge du patient, de manière très opaque puisque vous ne savez plus chez quel médecin un tarif accessible est garanti. On s’y est opposé, notamment en lançant une pétition.

D’un autre côté, une organisation de médecins spécialistes a lancé un appel à la grève contre une autre mesure : la limitation de leurs suppléments d’honoraires. Quel était l’avis de Solidaris sur cette mesure ? 

Nous étions favorables à la limitation des suppléments d’honoraires. 4 personnes sur 10 reportent des soins pour des raisons financières. Dans certaines régions, impossible de trouver un dentiste, un dermatologue ou un ophtalmologue conventionné. Que font les patients qui n’ont pas les moyens de souscrire une assurance privée couvrant les suppléments d’honoraires des médecins non conventionnés ? Soit ils paient plus cher et parcourent des kilomètres supplémentaires, soit… ils renoncent à se soigner. Résultat : leur santé se dégrade. Tant que ce problème d’accès n’est pas réglé, limiter les suppléments d’honoraires, c’est le minimum !

D’autres voix ont-elles été dans le même sens que Solidaris ?

Près de 30 000 patients ont déjà signé notre pétition contre la hausse des prix chez le médecin. Et nous n’étions pas seuls : les maisons médicales, un réseau de 300 médecins spécialistes, la mutualité chrétienne, la majorité des généralistes… tous disent la même chose : la priorité, aujourd’hui, c’est de garantir l’accès aux soins, pas de le compliquer.

Et alors, quel est le bilan des négociations en cette rentrée ?

Malheureusement, nos craintes se confirment. La discussion sur la limitation des suppléments d’honoraires est reportée, et la possibilité de facturer certains actes malgré le conventionnement est passée. Pire encore, les médicaments vont coûter plus cher puisque le ministre a proposé d’augmenter le ticket modérateur. Et le même projet est envisagé pour les consultations chez le médecin.

C'est-à-dire ? Le prix chez le médecin et à la pharmacie risque d’augmenter ?

L’Arizona est un gouvernement qui fait des coupes partout, y compris dans le secteur de la santé. Il veut économiser près d’un milliard d’euros dans les soins de santé d’ici 2026. Plutôt que de cibler les surprofits des firmes pharmaceutiques, il envisage de réduire les remboursements : ce sont donc les patients qui paieront plus. De notre côté, nous nous opposons à ces hausses et nous avons proposé un budget alternatif.

Ces logiques de coupes impactent-elles aussi les mutualités ? 

Oui, comme toutes les mutualités, nous sommes concernés. Solidaris se porte bien, mais pour continuer à garantir l’offre de remboursement la plus complète et des services comme les polycliniques, les soins à domicile, les plannings familiaux, les associations de terrain : nous devons adapter notre organisation. Par exemple, une cinquantaine de collègues partiront bientôt en retraite anticipée dans le cadre d’un plan volontaire. Ce genre d’ajustement nous permet de rester ambitieux : maintenir nos agences physiques pour garder un vrai contact humain, tout en développant la digitalisation pour faciliter les démarches. 

En janvier 2026, 180 000 personnes vont être exclues du chômage, en quoi cette mesure va impacter les affiliés ? 

Derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes, surtout des femmes de plus de 50 ans, qui ont travaillé et cotisé toute leur vie, et qui se retrouvent aujourd’hui demandeurs d’emploi. On nous répond qu’il existe des métiers en pénurie, notamment dans l’HORECA, les soins, la construction ou le nettoyage. Or, ce sont justement des secteurs à forte pénibilité, où le taux d’incapacité de travail est le plus élevé. Avant de forcer des gens à y travailler, il faut améliorer les conditions de travail. De plus, en Wallonie, il y a un emploi disponible pour six demandeurs d’emploi : trouver un emploi n’est pas juste “une question de volonté”. Enfin, on le sait : les personnes sans emploi sont déjà plus exposées aux problèmes de santé physique et mentale. Les priver de revenus, c’est aggraver cette précarité et faire exploser les risques pour leur santé. Cette mesure est une bombe sociale et sanitaire qui va toucher toute la société. 

Les affiliés Solidaris touchés par cette mesure doivent-ils contacter la mutualité ?

Chez Solidaris, nous accompagnons les affiliés concernés par l’exclusion du chômage pour qu’ils conservent leurs droits aux soins de santé ou à une indemnité éventuelle. Il peut y avoir des démarches simples à faire pour prolonger sa couverture sociale. 

L’accès au soin, l’exclusion du chômage…

ce sont ces raisons qui poussent Solidaris à être présent dans la rue aux côtés des syndicats ? 

Plus que jamais, notre rôle est de protéger les affiliés, tout au long de leur vie. Aujourd’hui, une vision individualiste et brutale du monde gagne du terrain. Une vision qui crée de l’insécurité pour tout le monde et renforce les plus puissants. Face à cela, nous pensons qu’il faut renforcer ce qui nous rend collectivement plus forts : les services publics, le droit du travail, la sécurité sociale. La solidarité, ce n’est pas juste un idéal : c’est le mécanisme le plus efficace pour garantir à chacune et à chacun de pouvoir bien vivre, sans craindre pour sa santé, son emploi ou son avenir.